LE TROU DE MADAME


Non, rien de graveleux dans cet article. Le trou en question est clair comme de l'eau de source, car il s'agit bien de source.

Ce Trou de Madame est situé à un kilomètre à pied de l'entrée de l'établissement thermal de Préchacq. Mais le lieu est caché. Pour l'atteindre, il faut marcher sur la piste qui, partant face à l'Hostellerie du Clos Pité, longe une belle chênaie, et ce qu'on appelle ici le Sesca ( provenant du gascon sesque qui désigne une sorte de jonc des lieux humides et marécageux que sont les barthes de l'Adour). Il faut ensuite s'engager sur un chemin souvent humide et boueux avant de parvenir à une clairière. Sur un coté de celle-ci, après avoir franchi un fossé par une dalle de pierre, on découvre, au milieu du marécage, un trou d'eau maçonné et irrégulier de 2x3 mètres dont le fond est constitué par un amas de boues végéto-minérales, et  le tout entouré de quelques ruines de fondations de bâtiments . On y voit une eau chaude bleutée remonter du fond avec quelques bulles, mais surtout on sent son odeur de souffre.C est là tout ce qui reste de ce qui fut pourtant, jusqu'au milieu du XXe siècle, un lieu de cure réputé.


L'origine du nom de ce lieu reste mystérieuse et a donné lieu à plusieurs versions. La tradition évoque la découverte dans ce trou du cadavre d'une religieuse noyée à l'occasion d'une cure. Pour d'autres, le nom viendrait du fait que seules les femmes venaient s'y baigner. Mais pourquoi pas le souvenir d'une visite de  Marie-Anne de Neubourg, la reine douairière d'Espagne, qui, chassée d'Espagne par Philippe V, fut exilée à Bayonne.plus de trente ans,  entre 1706 et 1738. On sait qu'elle fréquentait les eaux et bains de Dax et de Tercis , et on peut penser qu'au cours de ses séjours elle a pu se rendre aux thermes de Préchacq. Passons vite sur la version plus triviale qui fait allusion à  à la mauvaise odeur qui se dégage de l'eau sulfureuse autour de ce trou.


A l'origine, ce trou ("lou uèlh") était situé à quelques mètres du bassin actuel.. Ce n'est qu'en 1922 qu'il fut déplacé pour des raisons de commodité et d'aménagement d'une baignoire, de douches et de vestiaires. Le lieu est alors exploité par Paul Dumartin, qui fait construite une petite hôtellerie pour y recevoir les curistes, ceci jusqu'en 1963.date à laquelle le site est racheté par la commune. Après un projet de restauration avorté, les instalations sont démolies dans les années 1970..Aujourd'hui ne subsistent que de modestes ruines autour d'un petit bassin.


Si l'on prétend que les eaux et boues thermales de Préchacq étaient connues dès l'Antiquité pour leur vertus curatives, les bains ne consistaient, jusqu'au début du XVIIIe siècle, qu'en quelques sources chaudes s'épanchant dans de grands trous remplis d'eau boueuse au milieu d'une belle forêt de chênes des bords de l'Adour.

l'ancien Trou de Madame

Dans un manuscrit de 1568, l'avocat dacquois Andr" de la Serre évoque, au lieu appelé Préchac, des bains  " fort excellens...estans fort frequentez tant par ceux des environs, que de personnes de lointain pays: guerrissent les dits bains de toutes paralysies, perclusions de membres, intemperatures causées du cerveau et plusieurs autres maladies". Ces eaux et boues auraient ainsi été fréquentées par Michel de Montaigne qui y fait une simple allusion dans son journal de voyage en Italie  Suisse et Allemagne  en 1580 et 1581, en le nommant Preissac, près d'Ax.  Fervent croyant aux vertus et à l'efficacité des eaux thermale, il serait venu y soigner sa grevelle. On prétend même qu'un premier premier établissement thermal aurait été construit à l'initiative de Sully vers 1610, sans que la source de cette affirmation soit précisée.. 

Mais le lieu souffre d"un environnement sauvage. Lorsque le marquis de Poyanne acquiert la baronnie de Preschac au milieu du XVIIIe siècle, le bain est situé dans les bois, à un quart de lieu du château et à quatre cents pas de la rivière Adour..." mais il n'y a point d'allée qui y conduise, il faut y aller à travers les broussailles, et le bassin où l'on conserve l'eau de la fontaine pour la laisser refroidir, est éloigné de la source de cinquante pas environ. Il y a huit pieds de long sur quatre de large et trois de profondeur, le fond est plancheté et les cotés de même, pour pouvoir le nettoyer et contenir les terres...Au dessus de ce bassin, est une pièce de grenier de quatre vingt pieds de longueur, sur cinq de hauteur et vingt cinq de largeur, bati en appentis, il est posé sans beaucoup d'art comme sur pilotis ... la dessus on a fait un plancher et dressé un toit. En y montant par un très mauvais escalier de bois pourri, exposé au mauvais, on trouve un grenier à foin sans aucune cloison où il y a seize couchettes.... et c est là la seule retraite des malades".(fonds Poyanne - archives départementales du Gers)

Les bains périclitent et l''exploitation du site est interrompue à maintes reprises. Jean Thore, botaniste français de la fin du XVIIIe siècle, décrit « un endroit très malsain où les environs sont couverts d'eau les trois quarts de l'année. et le présente même comme dangereux en précisant que " si l'Adour vient à déborder, toute communication est rompue ; malheur à ceux qui n'auront pas eu l'attention de se précautionner comme pour un voyage au long cours ; car si le débordement vous surprenait, on courrait le risque d'y périr de faim, si d'ailleurs on n'y est pas égorgé, puisque ce bois passe pour la retraite chérie des voleurs. »

Après la mort du marquis de Poyanne, le domaine à l'état d'abandon, revint à  sa petite-fille Maximilienne, dite demoiselle de Sully puis épouse de Bethune-Charost, avant d'être confisqué comme bien national  en 1794 et vendu la même année à une famille Maisonnave qui le conserva jusqu'en 1888.

L'établissement thermal est alors peu fréquenté et en assez mauvais état." On n'y trouve qu un édifice mal distribué et les bains ne sont fréquentés que par la classe la moins aisée du peuple. Les eaux sont conduites dans l'établissement thermal où elles sont reçues dans une caisse en pierre de cinq pieds de large sur soixante six de long sans aucune espèce de séparation, en sorte que les baigneurs sont obligés d'être dans le bain pêle-mêle. Les eaux ont un gout piquant, désagréable, nauséabond, elles sont très  limpides, répandant une odeur d'hydrogène sulfuré"

En 1852, deux cents curistes sont venus.autour de la grande source chaude et de la source froide Ils y trouvaient une piscine divisée en deux compartiments pour hommes et femmes, entourée de six baignoires de bois mobiles et de deux cabinets de douches. L'établissement comportait un dortoir au premier étage. 

Pourtant, dès 1888, le docteur Alfred Darroze, maire de Pontonx, tente d'en relancer l'exploitation en faisant construire un établissement thermal..qui connut  par la suite un développement et un attrait grandissant au début du XXe siècle. Pendant l'entre-deux-guerres, le Trou de Madame devint un lieu de rencontres et de loisir réputé. 

La station était reliée à la gare de Laluque par un service d'omnibus.

l'arrivée et le départ du curiste par l'omnibus !

Puis lorsque les propriétaires cessèrent l'activité, les lieux furent rachetés par la commune de Préchacq , et ce n'est qu'au milieu des années 1970.avec l'édification d'un nouveau bâtiment que les thermes reprirent vie. Préchacq les Bains fait aujourd'hui partie du groupe la Chaîne Thermale du Soleil.  et  reçoit environ 2500 curistes par an. .L’alimentation en eau thermale de l’ensemble du site est issue de quatre sources chaudes sulfatées calciques (de 46° à 60°),dites du Jardin, situées dans le parc ( la Grande Source, la source de Montaigne, la source du Geyser dite de Darroze ou de la Buvette, et la source des Bains dite de La Hire ). A 300 mètres à l'est, la source de l'Avenue ou de Saint-Jean, produit une eau sulfurée calcique et chlorurée sodique plus froide (de 18° à 22¨°).

la fontaine sulfureuse-état ancien-

C'est près du Trou de Madame que les crues régulières de l’Adour nourrissent en alluvions la parcelle des barthes où l’on puise la boue thermale. Celle-ci est ensuite.mise en culture dans des bassins d'eau chaude thermale pour obtenir le fameux péloïde noirâtre aux propriétés thérapeutiques.en rhumatologie.

collecte des boues

culture des boues

application des boues
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Cela reste une station  modeste, champêtre et très...très calme ...Inutile d'y chercher le casino
l'établissement thermal

... en 1889

et plus tard

bassin de la grande source du parc

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