AIRE ET ALARIC


jurisconsultes 
(extrait d'une enluminure d'une copie du Bréviaire d'Alaric)

L'oppidum d' Atura ( nom issu de Atur - Adour), protégé par des camps fortifiés dits de César et de Pompée  ( tuc de Mireloup à Tucolle? - hauteurs du bois de Cazamon et de Lasserre ?- lieu-dit Castera ? (1), devint une des villes principales de la Novempopulanie lorsque les neuf peuples d'origine passèrent à douze.

Capitale du peuple des Aturenses qu'on assimile aux Tarusates cités par César, cité romanisée en Civitas Aturensium puis Vicus Julii, elle devint, avec Toulouse, l'une des deux capitales du royaume des deux derniers rois Wisigoths, Euric puis son fils Alaric II, de 466 à 507. Mais alors que son père l'avait d'abord ruinée, Alaric en fit son séjour de prédilection, voire, semble t'il, sa capitale principale d'où partaient les ordres de gouvernement pour tout le royaume goth. Aire avait en effet l'avantage d'un accès plus facile vers l'Espagne conquise.

Le dit Alaric II, huitième roi des Wisigoths, a succédé très jeune à son père Euric mort en 484 pour régner sur la Gaule, de la Loire aux Pyrénées, et sur la plus grande partie de l'Espagne, et donc à l'apogée de ce royaume. Parmi ses ancêtres figurent Alaric I qui le premier conquit Rome en 410, Athaulf qui se rendit maître de l'Aquitaine en 418, Théodoric I qui fut tué aux côté des Romains lors de la bataille des Champs Catalauniques, et enfin son père Euric qui conquit l'Espagne. Allié des Ostrogoths; il épouse la fille de leur roi Théodoric le Grand en 494.


Lors de l'établissement du christianisme dans les Gaules au IVe siècle, Aire, évangélisée et constituée en diocèse, était devenue une cité épiscopale, siège d'un évêché.

Malheureusement pour Alaric, les Francs étaient parvenus jusqu'à la Loire, et il devint le voisin le plus proche du jeune roi Clovis converti au christianisme. Aussi, après une paix un temps maintenue, le roi franc, prenant prétexte de l'appartenance d'Alaric à l'hérésie arienne, finit par l'attaquer. Cela conduisit, à l'été 507, à la victoire écrasante de Clovis et la mort du roi wisigoth à la bataille de Vouillé  qui marqua la fin de la domination wisigothique en Gaule. Après avoir pris ses quartiers d'hiver à Bordeaux, c'est Clovis en personne qui s'attacha à la conquête de la Gascogne qui fut réunie au royaume des Francs.






Si une partie des vestiges du présumé palais royal de Toulouse semblent  avoir été découverts en 2011, il ne reste rien du palais d'Alaric à Aire. Le baron Chaudruc de Crazannes signalait cependant, en 1861, qu'on pouvait y voir les restes et ses thermes. et un lieu appelé Campo de Gorro ( Campus Gothorum).On s'accorde aujourd'hui sur le fait qu'il occupait, sur la colline du Mas dominant la ville, le lieu connu sous le nom de Castet d'Alaric, près de la fontaine Sainte-Quitterie. Les restes auraient été démolis au début du XVIIe siècle pour en employer les pierres à la reconstruction de l'Evêché. par ailleurs, une villa de plaisance aurait été située au quartier du Gravelot sur le bord de l'Adour.
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Elaboration à Aire de
LA LEX ROMANA VISIGOTHORUM
 désignée bien plus tard sous le nom de
BREVIARIUM ALARICIANUM
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Pendant les années de paix, les divisions entre Wisigoths ariens et Romains catholiques empêchaient toute cohésion. En devenant maîtres de l'Aquitaine, les Goths y avaient laissés subsister en général, le même état civil et politique qu'ils y avaient trouvé. Euric avait bien rédigé des lois pour ses sujets goths mais les gallo- romains qui habitaient la région restaient toujours soumis au droit romain. auquel ils restaient attachés. 

Alaric, fervent défenseur de la cause arienne, bien que plus tolérant que son père, ne se heurta pas moins à l'hostilité du petit peuple des fidèles gallo-romains et des représentants épiscopaux, sensibles à l'ascension du roi Franc voisin. Aussi, pressentant les ambitions et les menaces de Clovis, il tenta de rallier à lui les nobles et de se réconcilier avec le haut clergé catholique. Il s'efforça alors de pratiquer une politique d'ouverture en faveur de ses sujets catholiques.
C'est ainsi qu'il entreprit de faire rédiger, pour les populations d'origine gallo-romaine soumises à sa domination, un recueil de lois, condensé ou abrégé du droit romain, adapté aux réalités de l'époque, après les changements dans l'état de la société et les circonstances politiques. 

enluminure du Bréviaire d'Alaric (BNF)

A cet effet, il chargea des jurisconsultes gallo-romains ( prudentes) de sélectionner, extraire, et compiler les lois romaines, constitutions impériales et jurisprudence, puis de recueillir l'approbation d'évêques et de notables provinciaux consultés. Cette commission convoquée se réunit à Aire, sous les ordres du comte du palais nommé Gojaric. On attribue, sans preuve, le principal de la rédaction finale à un certain Anianus, qualifié d'honorable, chancelier ou référendaire d'Alaric, lequel fut chargé d'authentifier les copies manuscrites issues du travail terminé à Aire, et leur donner le sceau de l'autorité publique, avant qu'elles ne soient expédiées aux comtes de chaque cité.
Le Code fut ainsi publié et promulgué à Toulouse en février de l'an 506, le XXIIe du règne d' Alaric, comme l'atteste l'envoi de la copie destinée à un comte nomme Timothée. Ce qui suppose que l'exemplaire original réalisé à Aire et déposé dans le trésor royal, est antérieur. Son élaboration date sans doute de l'hiver 505-506.


copie du début du IXe siècle -abbaye de Fleury -( BNF)

Interprétation et adaptation du droit romain (code théodosien de 438 et écrits des jurisconsultes), il abrogeait les autres lois romaines  et devenait la seule seule source du droit. Quelques principes Goths y avaient été inclus ( interdiction du mariage entre romains et barbares, sous peine de mort - amélioration du sort et simplification de l'affranchissement des esclaves ....). 

Quelques mois plus tard, les évêques furent réunis en concile à Agde (septembre 506). Parmi ceux de la Novempopulanie, figuraient Gratianus, le deuxième évêque de Dax et Marcellus, le premier évêque d'Aire qui s'y fit représenter par un de ses clercs Petrus,... et Galatorius l'évêque de Lescar (2). Ce concile avait sans doute pour objet de prévenir et corriger les effets pernicieux du Bréviaire, pour ce qui concerne le droit canonique.

Le Code qui a été élaboré à Aire-sur-Adour fut celui qui contribua à conserver dans l'Occident la connaissance et la pratique du droit romain. Il devint la loi générale aux VIe s et les suivants. Lorsque Pépin le Bref soumit l'Aquitaine, il précisa dans un capitulaire que chacun vivrait selon sa propre loi : un "Salien" selon la loi franque, un "Romain" (Aquitain) selon le Bréviaire. Ce Bréviaire d'Alaric demeura la compilation la plus répandue et appliquée en Gaule jusqu'à la fin du XIe siècle et la redécouverte du Code Justinien,  c'est à dire durant six cents ans.
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Les 1500 ans de la promulgation ont été célébrés à l'initiative du Conseil Général des Landes et la ville d Aire en septembre 2006. Diverses manifestations ont à cette occasion été organisées, dont un colloque du "XVe centenaire du Bréviaire d'Alaric ».et une exposition intitulée "Qui es-tu Wisigoth?" ayant regroupé les objets de diverses collections. Les actes du colloque ont été repris dans


Michel Rouche et Bruno Dumezil
Le Bréviaire d'Alaric - aux origines du Code Civil -
PUPS-  presses de l'Université Paris-Sorbonne -2008

LIRE
Renée Goulard -Les Goths parmi les neuf peuples au Ve siècle - dans le n°1 de la Revue d'études basques Lapurdum -Université Montaigne Bordeaux III - Université de Pau -2006 -

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(1) voir P. B. PALASSOU - Recherches relatives aux anciens camps de la Novempopulanie- in Supplément aux mémoires pour servir à l'histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacents- Pau-1821-  (p 200et 201)
(2) Après la déroute de Vouillé, une troupe des wisigoths surprit Galactorius à Mimizan et le mirent à mort. Cet épisode est à l'origine de la légende de cet évêque de Lescar, devenu Saint Galactoire, connue par le Bréviaire de Lescar imprimé en 1541.

La légende de Galatorius est issue du Bréviaire de Lescar qui n’a été imprimé qu’en 1541, donc plus de mille ans après l’épisode évoqué qui se situe après la bataille de Vouillé en 507 entre l’armée Franque et les troupes des Visigoths, au cours de laquelle le roi goth Alaric II est tué par Clovis lui-même.


Devant les horreurs et profanations commises par les Goths ayant envahi et ravageant la Vasconie, l’évêque de Lescar, Galactoire, se serait armé de l’étendard de la Croix pour marcher à la tête d’une troupe de guerriers Béarnais et Vascons pour défendre la foi chrétienne et s’élancer au-devant de l’armée des Goths. Un combat se serait engagé aux environs de Mimizan. Galactoire y fut blessé, son corps percé de coups d’épée et sa tête tranchée séparée du corps. Il fut alors enseveli sur place avec les corps de ses compagnons tombés au combat. Un édifice religieux fut érigé sur le lieu du martyre (emplacement par la suite occupé au XIe siècle par l’église Sainte-Marie de Mimizan disparue puis reconstruite au XIIIe siècle). Les cendres y furent cachées avant que ses reliques soient transférées, la paix revenue, en sa cathédrale de Lescar

Comme on conçoit mal que l’évêque ait pu prendre les armes contre Alaric qui avait autorisé la tenue du Concile d’Agde en 506 (auquel l’évêque participa), il est plus probable que Galactoire, se trouvant à Mimizan vers 507 afin d'y rencontrer son collègue Cyprien l'évêque de Bordeaux, y fut surpris et fait prisonnier par des Wisigoths qui, mis en déroute à Vouillé par l'armée des Francs, regagnaient en retraite les Pyrénées. Humiliés par leur défaite, animés d’un esprit de vengeance, et hostiles à la doctrine chrétienne ces derniers auraient alors massacré l’évêque refusant d’abjurer sa foi pour l’arianisme.