PARENTIS - TEXAS IN BORN ?


Mine de rien, comme les shadoks, on pompe toujours à Parentis. On pompe depuis maintenant presque soixante ans....depuis que le pétrole y a été découvert en mars 1954 faisant du village landais un petit « Texas français ». 

Les shadoks de Parentis sont aujourd’hui ces pompes à balanciers que l’on aperçoit ici et là aux abords du lac de Biscarrosse-Parentis. Et, comme au Texas, ces chevalets à piston en forme de tête de cheval, faisant partie du paysage depuis des décennies, poursuivent leur mission en silence. 


Au milieu des années 50, la France engageait timidement sa mutation du charbon au pétrole. Cela faisait plusieurs années que les géologues et ingénieurs encouragés par l’exemple américain  présumaient que le sous sol landais et son bassin sédimentaire en plusieurs couches déposées devait être propice à la composition de gaz et de pétrole. On prospecta donc. Dès 1941, la SNPA  (Société nationale des pétroles d'Aquitaine) obtenait les premiers permis de recherche et en 1951 après la découverte du gisement de gaz de Lacq, les géophysiciens auscultèrent le sous-sol de la région.

Les travaux d'exploration commencèrent peu après l'obtention du permis. Après une vaste campagne de prospection, un sondage fut exécuté sur le bord sud du lac. en novembre 1953. et c' est a partir du 25 mars 1954 qu'apparurent, comme espéré, les premières traces d'huile à plus de 2200 m de profondeur au puits P1. Le pétrole brut fut recueilli dans les installations de dégazage et les premiers bacs de stockage en mai. La production de ce premier puis fut de 560 m3 par jour


De nouveaux sondages furent alors effectués autour et sur le lac, et le paysage traditionnel se trouva ainsi bouleversé par  l'installation des premières tours de forage, les fameux derricks. C est dans la nuit du 10 au 11 mars 1956 que se produisit une émission brutale de gaz au puits P 101 ayant atteint la profondeur de 3750 mètres. Le carottage poursuivi jusqu'à 3776 mètres fit apparaître un mélange de boue d'huile et de gaz à forte pression qui provoqua une éruption obligeant l'évacuation des habitants du voisinage, et nécessita l'injection de 100 tonnes de boues pour éviter le risque d'incendie

 
Farwest et Union Pacific ?
non, le train Biscarrosse Ychoux dans les dunes

Le site constituait alors le plus grand gisement d'hydrocarbure français, le premier champ important découvert  en Europe Occidentale.Ce fut sous l’égide de la compagnie Esso Standard SAF  (société anonyme française)  du trust américain Standard Oil Company of New Jersey ( Exxon Mobil ) qui créa dès 1955 une filiale française Esso Rep (Esso Recherches et d’Exploitation Pétrolières) pour ses exploitations du Sud Ouest.

L’exploitation du gisement commença aussitôt. On extrayait un mélange de 2% fr pétrole brut et 98% d eau salée chaude à 60° et de gaz dissous liquide, éléments qui devaient être séparés en trois phase., l'eau étant réinjectée dans la nappe ( elle est aussi utilisée actuellement pour chauffer des serres de production de tomates )

Lorsque la pression est suffisante,les têtes des puits sont  équipées d’un jeu de vanne appelé « arbre de noël » permettant de contrôler le débit. Dans le cas contraire, la remontée du pétrole est effectuée par une pompe à balancier.

Le paysage traditionnel landais dut s’accommoder de ces nouvelles installations : derricks, pompes, vannes, torchères, pipelines, réservoirs .....

En 1956, le bassin de Parentis produisit plus d'un million de m3 de brut


Cette découverte eut un impact réel. Elle autorisait beaucoup d'espoirs et faisait vibrer la fibre cocardière. Dans l’atmosphère d’euphorie qui suivit, on rêva presque que la France allait devenir un pays pétrolier. On dut quand même en rabattre un peu alors que des découvertes plus spectaculaires survenaient dans le Sahara algérien (Hassi Messaoud en 1956), plus riches et moins coûteux à exploiter.


Le pétrole de Parentis fut d'abord évacué par voie ferrée et par mer vers la raffinerie de Port-Jérôme sur la Basse Seine. A cet effet, un pipeline de 3 kms amenait le pétrole du parc de stockage à la  gare de Parentis munie de rampes de chargement pour le convois de wagons. La majeure partie du brut fut ensuite traitée dans une  nouvelle raffinerie construite à Ambès et mise en service en 1959, à laquelle Parentis était relié par un oléoduc installé en 1962. Ceci a fonctionné jusqu’en 1983 avant l’arrêt définitif et la reconversion en dépôt d’hydrocarbures liquides en 1985

Aujourd’hui, l’oléoduc évacue directement le brut vers le site de stockage et le terminal pétrolier du bec d’Ambès. De là, il est  transporté par bateaux vers Nantes et le Havre, puis raffiné par Total.

Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les découvertes de nappes plus étendues sous les eaux du lac ont justifié une vingtaine de forages marins, et c'est ici que sont nés, dès les années 1980, les premiers forages lacustres d’Europe. Les derricks furent installés sur une barge flottante et transportés d'une plate-forme de forage métallique à l'autre, sans être démontés

Plusieurs plateformes furent ainsi installées, reliées au fond du lac par des lignes de transfert acheminant le mélange  pétrole/eau jusqu'à des séparateurs



La production en déclin, Exxon Mobil concentrant  son activité sur les zones pétrolières les plus rentables et dotées des plus importantes réserves, se désengagea et se défit en 1997 du gisement de Parentis. L’actif d’Esso REP fut repris par la Société Vermilion REP SAS, filiale française de Vermilion Energy Inc, une très jeune société, créée trois ans plus tôt au Canada, et dont la stratégie était de racheter les gisements déjà largement exploités et de prolonger cette exploitation le plus longtemps possible

Cette société installée à Parentis relança le site en y investissant 150 millions d'euros, et continue l’exploitation. C’est ainsi qu’elle est parvenue à quasiment doubler la production du gisement, qui est passée en 8 ans de 3 200 à 6 200 barils/jour. Elle est le premier producteur de pétrole sur le sol français (avec les gisements du Bassin parisien).



C est plus de 120 puits qui ont été forés tout autour du lac, produisant environ 2 000 barils/ jour. La plupart de ceux qui sont aujourd'hui en activité sont situées sur le lac même ( Selon l'entreprise, 65 d'entre eux sont actuellement en activité. 42 sur le lac et 22 à terre)

En 2005, le vieux gisement de Parentis avait déjà produit près de 34 millions de tonnes de pétrole brut depuis 1954.



Aux premiers champs périphériques des années 1960 que sont les gisements plus modestes de Cazaux,  Mothes, Lucats-Cabeil, et Lugos ( produisant ensemble environ 73 kt par an, en 2005) ), de nouveaux puits sont exploités depuis les années 1990 et 2000  dans les sites du sud du bassin d'Arcachon ( les Tamaris, Les Mimosas, les Pins, Les Arbousiers) et de la pointe du Cap-Ferret (Courbey, succédant à Lavergne découvert en 1962, mais qui n'est plus exploité)



Aujourd’hui, le sous-sol de toute cette zone à cheval sur la Gironde et les Landes a déjà produit 2,1 milliards de barils, et, au rythme actuel de production autour de 2 000 barils par jour; les spécialistes ont estimé que 11 millions de barils pourraient encore être extraits d'ici la fin de la concession  en 2031



Bien sûr, la modeste production française ne couvre  même pas 2% de des besoins, et le bassin de Parentis représente moins de 40% de ces 2%. !  On est bien loin de l’Arabie saoudite ! Cela peut donc paraître anecdotique, une "cocasse survivance d'une ambition tombée en désuétude", "nostalgie d'une époque révolue".pour le sceptiques. N'empêche qu'à chaque choc pétrolier (1973- 1979) et hausse des cours du baril de brut (1999), Parentis retrouve une nouvelle jeunesse et redevient rentable, en concourant  à son échelle à la réduction de la facture pétrolière et de la dépendance énergétique

(photo Nicolas Le Lievre)


En même temps, l’exploration se poursuit dans la région, principalement dans le pourtour immédiat du bassin d'Arcachon jusqu’au large des cotes girondines, par l’obtention d’un permis offshore permettant la prospection maritime.

Une société texane prospecte toujours et des forages ont été effectues à Mios, au Teich, et on poursuit les forages au large d Arcachon et la prospection de la rive ouest du Lac de Parentis, ainsi que dans l'enceinte du centre d'essais de missiles de Biscarrosse par les forages "déviés" depuis des emplacements existants sur la berge, et non plus seulement à la verticale.


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Ce pétrolier de 30 000 tonneaux, baptisé Esso Parentis, a été lancé le 8 mars 1958 aux chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire.pour le compte de la Cie Esso-Standard SAF.(Vendu en 1971 à Esso-Tankers Inc.-Libéria)
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le bourg de Parentis, jadis.
l'église jadis, et aujourd'hui

Mais Parentis c'est aussi çà !


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