A PROPOS DE LA NEHE.



 

La Fontaine Chaude reste le célèbre symbole et l'attraction touristique de Dax dont elle est le centre. Si le monument rectangulaire qui entoure aujourd'hui son bassin n'a été, malgré son allure antique, construit qu'entre  1814 et 1818, il n en reste pas moins que cette source, déjà connue bien avant la conquête des Gaules, est probablement à l'origine de l'existence de la ville et de sa réputation à l'époque gallo-romaine.

Le bassin quadrilatère est entouré d'un portique  fermé par des grilles, et dont la façade offre trois arcades séparées par cinq colonnes engagées supportant un entablement de style toscan. Les colonnes reposent sur des piédestaux entre lesquels sont neuf robinets en bronze à têtes de lion.  Ce monument a été remodelé à la suite de son affaissement. Classé monument historique le 9 septembre 1988 il a été restaurée à partir de l'année 2000, et ses abord rénovés.



Les eaux et bains des Aquenses étaient déjà connus avant l'occupation romaine. De temps immémorial se trouvait là un centre de population, installé dans un site de marais et tourbières, probablement sur pilotis, près des sources qui longent la rive gauche de l'Adour, et sur le demi cercle de coteaux qui l'entoure.où diverses stations préhistoriques ont été recensées. Puis la ville gallo romaine s 'est développée autour de la fontaine qui est devenue le cœur des activités. Pline et Ptolémée firent ainsi allusion aux sources d'Aquis Tarbellicis honorée par la suite du titre de Aquae Augustae Tarbellicae. La tradition prétend sa notoriété est alors due à l'empereur Auguste y aurait séjourné en l'an 25 ou 26, et que sa fille Julia.y aurait rétabli sa santé.


Les débris et vestiges découverts au voisinage de la fontaine actuelle semblent attester l'existence de thermes romains importants sur le site environnant .On a mis au jour les substructions et restes d'une première enceinte qui aurait renfermé, selon l'archéologue Camille Jullian, ces anciens établissements thermaux et leurs dépendances.  Le sol recouvert d'une couche épaisse de béton supportait les fondations des constructions disposées autour de la source et dont il a été retrouvé de nombreux débris. Parmi ces témoignages figurent des baignoires, des fragments de futs de colonnes, corniches et entablements en marbre blanc, des carreaux en marbre gris et blanc, des débris de marbres de couleur, de dallages et de mosaïques ...des restes de voutes, murs et conduites d'eau. Des sondages et fouilles effectués en 1976 dans un angle du monument qui s'affaissait ont d'ailleurs permis de retrouver, à une profondeur de quatre mètres, les vestiges d'une construction monumentale interprétée comme étant une portion du bassin antique, et des monnaies datant le comblement de ce bassin à la fin du IVe siècle au plus tôt.



L'origine des eaux thermales de Dax est la même que celle des sources voisines de Préchacq, Tercis, et Saubusse qui viennent de la même nappe souterraine née d'une fissure sur laquelle elles sont alignées. Leur température levée et leur minéralisation sont acquises à une profondeur de l'ordre de 2000 mètres.

Dans la ville, plusieurs sources émergeaient de griffons situés entre 4 et 10 mètres de profondeur. En 1876, Hector Serres a recensé l'existence d'une trentaine de ces sources, y compris dans le lit de l'Adour. Plusieurs qui jaillissaient au milieu des marécages ont été captées au bénéfice des établissements thermaux, d'autres ont disparu sous les terrassements et aménagements urbains.

Source de Saint-Pierre, dans les fossés des remparts - sources du Roth, du bastion, de Sainte-marguerite et sources du Port, au bord de l'Adour vers lequel elles étaient canalisées - le Trou des Pauvres - Seris - La Demi-Lune - les sources des Baignots et celle du Pavillon. L'ensemble donnerait 15 à 18 millions de litres d'eau par jour, le Fontaine Chaude seule ayant un débit journalier de 2 400 000 litres d'eau à la température de 62,50°.

Ces eaux combinées aus algues qui y émergent et au limon de l'Adour ont permis l'élaoration du "Péloïde" aux vertus thérapeutiques ayant fait de Dax la première station thermale de France. 



La fontaine a hérité du nom d'une déesse des eaux, d'origine celte ou ibère, appelée Nèha. Il est déja mentionné au XIIIe siècle ( Rôles gascons 1288-1289:  " villa Aquensi vocata de Nehe" et "villa Aquensi ante fontem calidum vocatum le Nehe"). Les nehae et nehalenia seraient en effet des déesses protectrices, génies tutélaires des cités, et plus spécialement des divinités aquatiques  personnifiant fontaines et cours d'eau. Ainsi, la Nehe serait donc la divinité tutélaire de Dax devant son origine a sa source.( aucun monument épigraphique ou  hôtel votif dédié a cette Nehe n'a cependant été découvert à ce jour).


On ne peut échapper à la légende du légionnaire romain qui affirme que celui-ci, en garnison dans la ville et devant partir en campagne, abandonna son chien perclus de rhumatismes en le noyant dans le fleuve de l'Adour, et, de  retour eut la surprise de le retrouver revigoré par la boue thermale dans laquelle il avait échoué, au bord du fleuve


En 1568, André de Serres mentionnait l'existence d'une série de bains autour de la source: 

Le bastiment et autres commoditez desdits bains sont merveilleusement belles, estant divisez en trois bains, à savoir: le grand bain en sa source fort grande et abondante... Ceste source et grand bain est fort bien basty de haute muraille, bien large, en quarré. A l'un cousté de ladite source par des canaulx ladite eau bouillante passe et se rend fort tempérée dans un beau grand lieu et long basty expres de pierre de taille, où les hommes se baignent et nagent facilement comme dans une rivière.De l'austre côté, par semblables canaulx passe ladite eau de ladite source dans quatre plus petits bains, bastis en quarré de pierre de taille, qui sont fort beaux et bien recommandez.

La Nèhe en 1700 :
La fontaine chaude de Dax es une des plus prodigieuses choses qu’il y ait dans la nature ; elle est placée sur le côté d’une des rues de la ville ; elle est fermée en carré d’un mur qui a environ cinq pieds de haut ; chaque face de ce carré me parait avoir plus de vingt pas. Plus près du mur de la rue que des trois autres, il y a une ouverture, comme d’un puits, dont on a de la peine à distinguer la largeur, à cause que l’eau la surmonte, dans l’étendue du bassin, au moins de deux pieds, et à cause de la grosse fumée dont la surface de l’eau est couverte. Il sort de cette ouverture je ne saurais dire combien de pouces d’eau à la fois, qui forment de gros bouillons que l’on distingue dans les moments que la fumée chassée par le vent ou autrement, les laisse découvrir. Ce carré s’emplit ordinairement de deux pieds de hauteur d’eau partout au-dessus de son fond. Il y a trois endroits par où cette eau s’écoule. Au côté gauche de la rue, il y a une petite place carrée qui contient un bassin de pierre de taille, dans lequel cette eau sort par trois robinets de cuivre ; c’est par là que toute la ville en prend pour boire, car elle est excellente refroidie, et on l’emploie toute chaude à faire le pain qui est admirable. Pour moi, j’en ai lavé ma barbe, et j’y trouve une douceur qui fait bien passer le rasoir. J’en ai bu de froide et de chaude à jeun ; elle m’a rendu le ventre libre et m’a fait du bien ; mais je n’en ai pas fait un assez grand usage pour avoir connu toutes les bonnes qualités. Les habitants disent qu’elle est excellente pour les rhumatismes, fluxions et maux d’estomac. Du côté opposé à celui-ci, elle s’écoule sans cesse par deux endroits différents ; du premier, elle remplit un bassin carré de quatre toises sur deux, qui s’emplit de la hauteur de trois à quatre pieds : c’est là où se baignent les gens qui veulent prendre le bain. Le troisième endroit par où elle sort est au bout de ce bassin ; c’est son écoulement naturel, par où, formant un ruisseau, elle va, par-dessus les remparts de la ville, se rendre dans la rivière, jusques où on la voit porter sa chaleur et sa fumée. On blanchit le long de ce ruisseau, et vous pouvez juger que cette chaleur contribue beaucoup à rendre le linge fort blanc et fort sain. Voici ce qu’il y a de plus prodigieux en cette fontaine : 1° L’on y jette un animal ; il y meurt, il y cuit : l’on y met un œuf, il n’y cuit pas ; 2° on en a sondé le fond avec un boulet de canon attaché à plus de cinq cents brasses de corde, sans pouvoir la trouver.
- Lettre du 13 janvier 1701, de Duché de Vanci, gentilhomme accompagnant Philippe d’Anjou se rendant en Espagne, lors de son passage à Dax (BNF - Lb37-4169)
En 1742, M de Secondat, fils de Montesquieu, communiqua à l Académie de Bordeaux, une monographie intitulée " Relation de la fontaine bouillante de Dax" qu'il décrit ainsi :

Au milieu de la ville est un grand bassin à cinq faces très irrégulières, très profond, et d'une étendue très vaste, toujours plein d'une eau presque bouillante qui en sort avec une abondance prodigieuse par cinq ou six tuyaux; il s'en forme un grand ruisseau qui va se jeter dans l'Adour aux bords duquel la ville est située … la surface du bassin de notre fontaine est toujours couvert d'une épaisse fumée qui se répand au loin: on y distingue auprès de l'un des angles un espace d'environ quatre toises de diamètre, duquel partent des tourbillons de fumée, l'eau semble bouillir; c est la bouche de la source. On assure que c'est un gouffre dont on ne saurait trouver le fond, c'est même une tradition constante que Philippe V lorsqu'il passa par cette ville, allant prendre possession de la couronne d'Espagne, eut la curiosité de la faire sonder, et que mille brasses de corde n'ayant pas suffi, on renonça à l'entreprise. 
Renouvelant  l'expérience, il  constata que le gouffre atteignait à peine quatre toises. En 1817 on ne mesura qu'à peine trois toises., et des mesures effectuées en 1882 ont permis de constater que le gouffre avait une profondeur d'un peu plus de 4 mètres


Une autre description faite par un pèlerin au début du XVIIIe siècle ( 1726):

Cette ville possède en elle une fontaine qui est bouillante, dont il sort dans une rue de la ville par deux cahos de cuivre. Cette fontaine n'est ni carrée ni ronde, d'une mesure inégale; elle jette l'eau toute fumante dans la rue et chacun en prend pour laver la vaisselle. Elle est enclose dans une cour d'un tourneur, où il n'y a qu'un petit sentier pour y entrer et pour faire la séparation d'une autre qui est tout près, dont l'eau et froide comme la glace et n'a de grandeur que la moitié de l'autre. La bouillante peut avoir 50 empas de tour, environnée de maisons. L'eau est chaude toujours plus en plus en allant au fond L'on y a jeté autrefois un plomb avec une ficelle pour en sonder la profondeur, l'on a jamais pu parvenir au fond. Autrefois, un menuisier, qui était fou à courir les rues, est tombé malheureusement dedans. Il fut retiré sur le champ cuit, qu'il tombait par lampions.



Une dernière, datant de 1785 ( M.Guibert, inspecteur des compagnies détachées des Invalides)

Fontaine d'eau bouillante au milieu de la ville, curieuse par sa grosseur. On n'y peut tremper la main, et un oeuf n'y cuirait pas; étrange contraste!  Elle faisait tourner un moulin qu avait fait bâtir M de Poyanne, seigneur de cette fontaine et d'une partie de Dax; on a été obligé de détruire ce moulin. Les habitans m'ont dit que la farine s'y grumeloit. Je n'entens pas pourquoi. La fontaine forme aujourd'hui un vaste bassin qui bouillonne avec violence, et au-dessus duquel s'élève un nuage de fumée, quand on ouvre ce bassin pour le laisser dégorger: c'est alors une image du Phlégéton. On ne tire d'ailleurs aucun parti de cette fontaine, ni pour des bains, ni pour la santé. 



Ce n' est qu'à partir des années 1866 à 1870 que la vocation  de Dax est véritablement exploitée par la construction d' établissements  thermaux. modernes Jusqu'alors les bains n'étaient que des baraques rudimentaires. En 1741 les bains ne consistaient qu'en de grands trous pleins d'eau bourbeuse.
En 1892 les eaux de la Nehe ne sont encore utilisées que pour les usages domestiques. L 'eau qui en sortait courait se perdre dans la rivière, sauf celle alimentant deux lavoirs  et trois ou quatre petits établissements de bainse Mais il est bien envisagé d'utiliser les propriétés des sources. On demande alors à l'Etat une autorisation d'exploitation en même temps qu'une déclaration d'intérêt public.