1790 LA DIFFICILE CREATION DU DEPARTEMENT


Alors que l'on a évoqué un temps la suppression des départements, il est sans doute encore temps d'évoquer la naissance difficile de celui des Landes.



Il est d'abord utile de préciser aux "étrangers" que, contrairement à ce qu'indique son nom, imposé par l'Assemblée constituante en 1790, le département des Landes ne couvre qu’une partie seulement des Landes de Gascogne qui s'étendent aussi sur la Gironde et le Lot-et-Garonne, et qu'il inclue en outre des régions comme la Chalosse, le Tursan et le Marsan, qui ne sont pas vraiment  "landaises de souche" En réalité ce territoire administratif  révèle, aujourd'hui comme en 1790, une certaine hétérogénéité entre des Landes forestières, une Chalosse et un Tursan agricoles et plutôt tournés vers le Béarn, un pays de Marsan ... et un peu d'Armagnac.

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L’origine en est une loi votée par l'Assemblée nationale constituante le 22 décembre 1789 qui arrêta que le royaume de France serait désormais divisé en départements districts et cantons.Un comité restreint du Comité de constitution, créé à cet effet dès septembre 1789, avait invité les provinces à  adresser leurs études, projets, rapports et documents sur les limites à donner à de nouvelles divisions du territoire devant se substituer aux anciennes et diverses juridictions des provinces de l'Ancien Régime. Les multiples propositions furent examinées en séances pendant plusieurs semaines au cours des six mois suivants.



La division de la province de Guyenne

Or, l'espace compris entre l'embouchure de la Garonne jusqu'à celle de l'Adour apparut vite comme un de ceux dont la division présentait le plus de difficultés.

l'ancienne Guyenne où l'on devine à peine Mont-de-Marsan ... dans le Condomois!

La question se posa d’abord de savoir en combien de départements serait divisée l'ancienne province de Guyenne, dès lors que chaque ville tendait de former des circonscriptions dont elle occuperait le centre.

Un premier projet du Comité consista à créer trois départements : le Bordelais, l’Agenais, et le Dacquois. Le dernier aurait été composé des pays de Chalosse, Labourd, Basse-Navarre et Soule. Mais il ne convint à aucun des pays  concernés. On en sépara donc la  Chalosse, les autres pays étant réunis Béarn, et on considéra rapprocher la Chalosse du Marsan pour en faire un département.

Ce sujet du morcellement du pays landais entraîna de longues discussions à l'Assemblée et parmi les députés des sénéchaussées aux prétentions opposées. On revendiqua quatre puis cinq départements.

Les uns proposaient de réunir Grandes Landes et Bazadais. On proposa de créer un immense département recouvrant tout massif forestier des Landes de Gascogne, qu'on aurait  dénommé l'Eyre, et dont le chef-lieu aurait été Lugos. Le député de Marsan s’y opposa, revendiquant une partie des Grandes Landes. Un projet appuyé d'un plan cartographié, avait été proposé à l'assemblée dès le 29 septembre 1789 par le comité de constitution. Il formait un département à priori naturel et homogène comprenant la totalité des Landes de Gascogne, du pays de Buch à la rive droite de l'Adour (Landes, Marsan, Tartas). Les pays de Dax, de la Chalosse et du Tursan y formaient une autre entité avec le pays de Maremne, le Labourd et la Basse Navarre. Béarn et Soule en constituait un autre.


un premier projet séparant Landes et Chalosse


N'ayant pas réuni l'unanimité des suffrages, plusieurs projets successifs furent rejetés. Toutes les propositions se heurtaient aux multiples oppositions des parties concernées. Une difficulté particulière résidait dans l'incertitude du sort contesté du pays de Marsan, baladé entre un département du Bazadais, et un département de L'Agenais, et une partie amputée et incluse à un département de Dax et Adour.


Le 21 décembre 1789, le comité, les commissaires adjoints, et les députés assemblés proposèrent un autre plan dans lequel Bordeaux formerait un département jusqu’à Mimizan, un second serait formé du Marsan, des Landes, et de la Chalosse jusqu’à Bayonne. Il fur rejeté par le Marsan refusant de s’unir à la Chalosse.
Le 27 décembre, une nouvelle assemblée proposa de former un département de Bazas, La Réole et une partie des Landes, un autre réunissant toujours Marsan et Chalosse, et un troisième réunissant Bayonne,Labour, Navarre et Soule.

Ces projet continuaient d’exciter de fortes réclamations de la part des députes de Tartas et de Mont-de- Marsan, lesquels se plaignirent  que leurs cantons ne résisteraient pas à l influence de la Chalosse plus riche, et que leurs intérêts étaient opposés également à ceux des habitants des Landes. De fait, Marsan et Chalosse faisaient preuve d'une aversion réciproque née d’une  incompatibilité de mœurs et d'intérêts.

Les représentants de Dax songeaient  plutôt à s'unir à Bayonne pour former un département de l'Adour ou Chalosse. Les députés du Marsan étaient pour leur part, hostiles à une union avec tout le pays des Landes et étaient favorables à l’examen d'un projet de département particulier, intermédiaire entre Bordeaux et Agen, pour être sûrs d'en obtenir le chef lieu


Le Comité essaya alors un nouveau système de division semblant, sans espérer concilier tous les avis et intérêts opposés, pouvoir détruire le moins de convenances possibles .C'est ainsi que fut proposé comme naturel le rattachement de deux entités constituées d' une grande partie des Landes (l’Albret et une partie des Landes dites de Bordeaux) et du Marsan d'une part; et le pays de Dax, le Labourd et la Chalosse (sauf quelques exceptions à la limite du Béarn à régler à l'amiable) d'autre part. On délibéra sans obtenir d'accord (3 janvier).


Le comité ayant tenté en vain d’accélérer les conférences, il fallut que l'Assemblée nationale intervienne directement pour imposer son arbitrage. Pendant que les députés des Lannes, dans l’impossibilité de s’accorder avec ceux du Marsan, s’assemblaient avec ceux de Bazas et de Tartas pour tenter de régler les limites sud du pays de Bazas, l’Assemblée nationale décrétait le 12 janvier que Soule, Navarre, et Labourd seraient réunies au Béarn pour constituer un département.

Dès lors se posait le problème de la Chalosse qui en était exclue. On proposa donc de la rattacher au Marsan. Cela souleva les violentes protestations des députés de Dax et Saint-Sever pour lesquels « ce serait sacrifier 150 paroisses ou communautés à l’ambition de la ville de Mont-de-Marsan qui n’a peut-être pas 3000 âmes de population » alors que la Chalosse « s’étend depuis la ville d’Aire jusqu’à St-Esprit-lès-Bayonne et comprend environ 250 communautés et une population d’à peu près 100 000 âmes». Pour ceux du Marsan, au contraire,les difficultés venaient de « l‘intraitable ambition d'une seule ville (Saint-Sever ? Dax ?), dont les prétentions désespérantes pour le pays des Lannes forment l'unique obstacle à une satisfaction universelle ».De fait, Marsan et Chalosse faisaient preuve d'une aversion réciproque. En outre, leurs intérêts étaient opposés également à ceux des habitants des Landes. 

Les représentants de Dax avaient songé plutôt à s'unir à Bayonne pour former un département de l'Adour ou Chalosse. Les députés du Marsan, bien qu'hostiles à une union avec tout le pays des Landes, étaient favorables à l’examen d'un projet de département intermédiaire entre Bordeaux et Agen, pour être sûrs d'en obtenir le chef lieu.

Pourtant, le député montois Dufau finit par se rallier à cette association, dans le but de préserver les chances de sa ville pour la détermination du chef-lieu. Il l’imposa aux représentants municipaux toujours réticents.

Par loi et décret du 15 janvier 1790, L'Assemblée constituante décida qu'il y aurait 64 départements et que la Guyenne (Bordelais, Bazadais, Agenais, Condomois, Armagnac, Chalosse, Pays de Marsan, et Landes) devraient en former quatre.

Les longues discussions achoppaient toujours sur la division des Grandes Landes.

L’Assemblée s’impatienta, et c’est finalement la création d'un département des Landes (Marsan compris) et de Chalosse réunies qui  fut imposée, sauf aux députés intéressés à se concerter avec le Comité de constitution pour une délimitation exacte et la composition des districts, cantons et communes.


Décret du 9 Février 1790.
Département de la Chalosse et du Marsan.
L'assemblée Nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que, dans le jour, les députés de la Chalosse et du Marsan présenteront au comité, la division de ce département en districts ; sinon les commissaires sont autorisés à le diviser, et à proposer de décréter demain à neuf heures du matin, les districts, leurs chefs-lieux, & celui du département.
  
La détermination des limites du département, et les districts

Le travail de division du pays enfin achevé, et la  création du département des Landes et  Chalosse actée, il restait à en préciser certaines limites territoriales et éviter les tentatives de modifications. Le baron de Batz évoquait encore, en vain, une déclaration des députés demandant que les Landes seules forment un département et donc que la sénéchaussée de Saint-Sever en soit distraite pour être réunie au Béarn.

Aussi, pour délimiter le nouveau département, on eut soin de conserver autant que possible les anciennes entités politiques, judiciaires, ou ecclésiastiques (Pays d'Etat, élections, sénéchaussées, évêchés, archiprêtrés), en évitant les démarcations qui auraient trop contrarié les anciennes habitudes, convenances, ou rapport commerciaux, judiciaires, ou sociaux

Cela se fit donc à partir des emprises des sénéchaussées, à savoir :

Les sénéchaussées secondaires issues de la grande  sénéchaussée des Lannes.

- La sénéchaussée de Dax. Elle comprenait Dax et les paroisses proches au nord de l'Adour, au sud jusqu'à Saint-Esprit, faubourg de Bayonne, une partie de la Chalosse occidentale, et le  Pays d'Orthe.

- La sénéchaussée de Saint-Sever. Elle comprenant la Chalosse centrale et le Tursan, et quelques enclaves en Armagnac et dans l’ancienne vicomté de Belhade

On en détacha la sénéchaussée secondaires de Bayonne et du Labourd, ainsi qu'une vingtaine de localités situées sur la limite de la Chalosse, comme Bonnut, Arzacq, Arraziguet, Sault-de-Navailles et même Bidache, qui furent incorporées au Béarn  et la nouvelle circonscription administrative des Basses Pyrénées.

Lannes - les sénéchaussées  secondaires de Saint-Sever, Dax, et Bayonne
(d'après la carte de Classun 1638 -BNF-)

La sénéchaussée de Tartas, issue du domaine d'Albret.

Elle comprenait une grande partie des Grandes Landes jusqu'à la cote à l'est et l'Adour au sud (Brassenx, Marensin, Maremne, Seignanx, Gosse).
Le pays de Born en dépendait.
Le proche pays de Buch fut rattaché à la Gironde, contrairement à ce qu'avait prévu le premier projet de division de L'Assemblée, et la paroisse isolée  de Maillas qui dépendait pourtant de la sénéchaussée de Bazas fut rattachée aux Landes.

la sénéchaussée de Tartas (BNF)

La sénéchaussée du Marsan, issue des anciennes vicomtés de Marsan et de Gabardan.

              
            la sénéchaussée de Marsan ( d'après une carte de J.M Fritz Bull Borda 2000) 



Le 11 mars 1790 lés députés intéressés procédèrent à "la démarcation et fixation des limites du département d'après les conventions précédemment faites avec les députés des département du Bordelais, de l’Agenais, de l'Armagnac, et du Béarn". Ils produisirent alors un tableau énonciatif des limites du département, par la liste des lieux appelés à se trouver en bordure intérieure, et ceux en bordure extérieure, entre lesquels passait la ligne séparatrice. Ces limites furent figurées sur une carte topographique, d'après les planches de la carte géométrique de la France de François Cassini, dite Carte de l’Académie, qui constituait le meilleur document cartographique de l'époque.

Les paroisses, transformées en communes, figurant la limite extérieure du département furent ainsi déterminées

- Touchant le département de Bordeaux :
Sanguinet-Le Muret-Biganon-Argelouse-Sore Callen-Luxey-L'Hopital-Retjons-Bourriot-Bergonce-Maillas.

- Touchant au département de l'Agenais:
Losse-Lubbon-Arx- Baudiets et Rimbez-Saint Pierre du Broca(?)-Saint Martin le Vieux-Sainte Meille- Escalans-Esperoux

- Touchant à l'Armagnac:
Sarran-Bouau-Mauras-leMura-Laballe-Saint-Cricq-Gabarret-Lagrange-Mauvezin-Betbezer-Argelouse-Saubouère-Saint-Justin-Gahuzat-LeFreche-Saint-Etienne-Saint-Vidou-Eyrès-Montegut-Gaube-Bourdalat-Loubens-Saint-Michel-Lussagnet-Subéhargues-Aire-LeMas-Latrille-Saint-Agnet-

- Touchant au Béarn:
Sarron-Sensacq-Pimbo-Arblech-Philondenx-C....?-Beyries-Bonnegarde-Arsague-Tilh-Ossages-Saint-Cricq-Sorde-Hastingues-Saint-Jean-d'Ichart-Saint-Esprit-les-Bayonne

Deuxième plus vaste département de France, il contenait 1 801 097 arpents.... dont 1 278 020 de terres incultes !


Les districts et cantons

Le nouveau département fut finalement divisé en quatre districts évoquant les anciennes sénéchaussées, et dont les chefs lieux furent fixés à Mont de Marsan, Saint-Sever, Tartas et Dax. Le député Moriet de Flory  demanda en vain la création de deux districts dans le pays de Marsan dont l'un serait établi à Villeneuve.

le nouveau département

Puis on détermina les 25 cantons et les 385 communes dont les limites se juxtaposèrent presque toujours avec celles d’une ou de plusieurs des 428 paroisses de l'Ancien Régime. Il en existait 99 en Marsan et Gabardan, 337 dans les Lannes (dont 28 furent rattachées au département des Basses Pyrénées) 13 dans le Born, et 7 à l’extrême nord du département.

On essaya également de faire coïncider les cantons avec les unités naturelles ou les anciennes limites historiques. Parfois aussi, on dut regrouper arbitrairement les communes les plus éloignées par rapport à la position du chef-lieu.

C est ainsi que le procès-verbal de la division du département en districts et cantons du 11 mars 1790 définit :

Le District de Mont-de-Marsan, comprenant 6 cantons:
Mont-de-Marsan, Villeneuve, Roquefort,  Saint-Justin, Gabarret, Bascons.
Le District de Tartas, comprenant 6 cantons:
Tartas, Poyanne, Pissos, Parentis, Sabres, Arjuzanx.
Le District de Dax, comprenant 6 cantons:
Dax, Castets, Peyrehorade, Pouillon, Montfort, Saint-Esprit.
Le District de Saint-Sever, comprenant 7 cantons:
Saint-Sever, Grenade, Aire, Geaune, Hagetmau,  Amou, Mugron.

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En 1801 les cantons de Saint-Justin, et Poyanne seront supprimés, celui de Tartas dédoublé, et seront crées les cantons de Labrit, Mimizan, Sore, Saint-Vincent de Tyrosse, et Soustons. Puis, en 1973 les cantons de Dax et Mont-de-Marsan seront dédoublés.

En 1850 la commune de Labastide-d’Armagnac primitivement attribuée au Gers en est détachée pour être rattachée aux Landes
En 1857 la commune de Saint-Esprit est détachée des Landes pour être rattachée au département des Basses-Pyrénées, entraînant le transfert du chef lieu de canton à Saint-Martin-de-Seignanx en 1858.

En 1861 création de la commune d'Eugénie les Bains, entrainant la disparitions des communes d'Esperons et de Damoulens.
En 1863 est crée la nouvelle commune de Solferino, par la transformation du domaine impérial créé en 1857, et le démembrement partiel des communes de Commensacq, Escource, Lüe, Labouheyre, Morcenx, Onesse et Sabres.

En 1888 le chef- lieu de canton d’Arjuzanx est transféré à Morcenx.
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La bataille pour la détermination du chef-lieu

Le Département enfin délimité, la fixation du chef lieu fut laissée à la décision de l'assemblée départementale.

Pour l'exécution des décrets de l’Assemblée nationale, on avait nommé des commissaires royaux spéciaux pour trancher sur place les difficultés nées de leur interprétation, et arbitrer les contentieux locaux nés des arbitrages effectués. Ce furent Philibert de Cahuzac de Caux, évêque d’Aire, Jean-Jacques de Mesmes, sénéchal du Marsan, Pierre François Salvat de Neurisse, baron de Laluque, lieutenant général du sénéchal de Dax, et le marquis de Caupenne d'Amou, gouverneur militaire de Bayonne. Mais ceux-ci se heurtèrent très vite aux difficultés nées de la rivalité des villes de Mont-de-Marsan, Dax et Saint-Sever.

On avait créé dans chaque sénéchaussée un comité local de correspondance avec les députés siègeant à l’Assemblée. Ainsi, à Dax, ce furent, pour le clergé, le chanoine de la cathédrale Vignau, et le prébendier Louis-Samson Badbedat, pour la noblesse Ducros et Bachelier, et pour le tiers-état, Dousse, Roger-Ducos,  Ramonbordes  et Plantier. Il en fut de même à Tartas et à Mont-de-Marsan.

N’ayant pas de député au comité de constitution, Dax ne se retrouva représenté auprès de l’Assemblée nationale que par une délégation municipale désigné par la ville pour surveiller les opérations des représentants à l’Assemblée et  pour soutenir ses prétentions à devenir le chef lieu du  département. Dirigée par l'avocat Martin Ramonbordes,  elle se trouva opposée à la détermination et l’habileté du député montois Dufau.. 

Pour revendiquer le chef-lieu, les députés de Marsan arguaient, avec raison, que leur ville était la plus centrale du département. Mais le député de Dax, le comte de Barbotan, répliquait que cette ville se trouvait dépeuplée de tous cotés, et les marchés peu importants, alors que Dax était depuis longtemps la ville la plus considérable des Lannes et la plus commode pour y installer le chef-lieu. On opposait Dax, ville antique et carrefour commercial à Mont-de-Marsan, grosse bourgade au petit et plus récent passé historique.(A l'époque, les anciennes villes de Dax et Aire, et surtout Saint-Sever, étaient plus peuplées que Mont-de-Marsan)

Or il semble que tout se joua lors d’une réunion des députés de la basse Guyenne conviée au soir du 12 janvier 1790, au cours de laquelle les représentants du Marsan mirent à l’ordre du jour la discussion du projet qui leur attribuait un département rattachant les sénéchaussées de Dax, Saint-Sever (Chalosse), et Tartas (Albret) au Marsan (et Gabardan). Cette réunion se tint en l’absence des membres du comité de constitution, mais le député Dufau oeuvra pour coaliser avec lui les représentants de toute la Guyenne qui s’y rendirent en grand nombre, soit une cinquantaine, contre huit représentants pour la Chalosse et Bazas. On créa un président, M. Lavie, député de Bordeaux. La discussion se prolongea dans la nuit. Pour en finir, et malgré les protestations du député de Dax, Basquiat, et contrairement au règlement, on mit l’affaire aux voix par tête. Les députés des Lannes sortirent. L’affaire fut entendue, et le projet du député Dufau adopté par surprise au petit matin.
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Batbedat qui avait alors son séjour habituel à Paris fut accusé de n’avoir rien fait pour empêcher la désignation de Mont-de-Marsan, ou du moins, en agissant sur les députés, amener l’Assemblée à revenir sur cette décision. A son retour, ce fougueux révolutionnaire déjà en conflit avec le clergé local, et soupçonné d’avoir pactisé avec le député montois, le fut avec la municipalité, si bien que les polémiques qui suivirent l’amenèrent à prendre la fuite.

A son retour à Dax, son ami Ramonbordes qui avait été envoyé à Paris le 7 décembre pour défendre les intérêts de sa ville, fut l'objet d'une telle réprobation populaire qu'on lui refusa même le remboursement de ses frais de voyage et séjour.

On criait à leur trahison. Des pamphlets coururent. On raconta même que le représentant de Dax qui aurait pu soutenir sa ville, était tout bonnement « au bordel », rue Saint-Luc, à Paris, au moment du vote.
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Face à la colère des représentants de Dax, et pour éviter ou solutionner les « querelles de clochers", on proposa que tous les électeurs s'assemblent pour la première fois à Tartas, ou une autre ville neutre, et qu'ils délibèrent pour décider si le chef lieu devait être à Mont-de-Marsan, à Dax, ou ailleurs, ou s'il fallait un alternat. Bien sûr, Basquiat demanda que la première assemblée se tienne à Dax, sauf à délibérer ensuite s'il était plus avantageux d'alterner avec quelque autre ville ou choisir une ville plus convenable.

Mais l’Assemblée nationale confirma en séance du 15 février que l'assemblée du département des Landes et Chalosse réunies se tiendrait provisoirement à Mont-de-Marsan. Elle accorda aussi que les  électeurs  pourraient ensuite décider d'un alternat, s'ils le jugeaient convenable aux intérêts du département.

Décret du 15 Février 1790.
Département des Landes et Chalosse.
1°. L'assemblée nationale décrète que l'assemblée du département des Landes et Chalosse réunies, se tiendra provisoirement à Mont-de-Marsan ; que les électeurs proposeront un alternat, s'ils le jugent convenable aux intérêts du département.
2°. Que ce département est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont Mont-de-Marsan, Saint-Sever, Tartas, Dax.
S'il est établi un tribunal dans ce département, il sera placé à Dax.

Cela ne semble pas avoir calmé les esprits puisque la querelle continua.

Lors de la séance de l'Assemblée du 3 juillet 1790, le rapporteur exposait que la rivalité des villes était telle que les commissaires du roi manifestaient des inquiétudes "sur le danger que courrait la tranquillité des électeurs si la question de l'alternat était agitée à Mont-de-Marsan, où pourrait s'être manifesté une fermentation alarmante, où la liberté des suffrages et la sûreté personnelle de députés ne seraient peut être pas suffisamment garanties"

Les habitants de Dax, Saint-Sever, et des principaux lieux dépendant des districts de la Chalosse réunis à ceux des Landes de Bordeaux montraient en effet une forte résistance à se rendre à la ville de Mont de Marsan. Antoine Dufau député du tiers-état de Mont-de-Marsan protestait de la bonne foi de sa ville, et son collègue Mauriet de Flory prétendait même que les commissaires du roi s’étaient coalisés avec les villes de Dax et de Saint-Sever. Pour eux, une  révocation du décret qui fixait à Mont-de-Marsan la réunion de l’assemblée du département susciterait d’autres inconvénients tout aussi graves.

Devant ce dilemme, l'Assemblée renvoya l'affaire aux « comités réunis des rapports et de constitution ». Le problème revenu à l'ordre du jour le 5 août, il fut décidé que la première réunion de l'assemblée du département se tiendrait à Mont-de-Marsan, et qu'après avoir formé et organisé les corps administratifs, les électeurs se retireraient à Tartas pour y délibérer sur l'opportunité de l'instauration d'un alternat, et qu'en tout état de cause cet alternat ne pourrait avoir lieu qu'entre Mont-de-Marsan  et un seule autre ville du département.

Les résultats sont ratifiés par lettres patentes royales du 4 mars 1790 dans lesquelles le département est nommé LANDES.

En compensation, on accorda à Dax le siège du futur tribunal criminel départemental. Attribué définitivement par décret du  11 février 1791, il y siégea jusqu’en 1811, date de la création de la Cour d’assises installée à Mont-de-Marsan. La cité reçut également la promesse de garder le siège de l’évêché, qui sera confirmée par un décret du  12 juillet 1790.

Le Conseil de département se réunit pour la première fois le 5 octobre 1790 à Mont-de-Marsan, sous la présidence de Jean Lacoste, dans les bâtiments du collège des Barnabites. Ce conseil ne siégeant qu'une fois par an, l’alternance envisagée n'eut jamais lieu puisque la possibilité des alternats fut abandonnée dès septembre de l’année suivante en raison de la difficulté de leur mise en œuvre. Le chef-lieu des Landes restait à Mont-de-Marsan. Les conseils de département furent supprimés en 1795 puis rétablis en 1800 sous le nom de conseils généraux.

bâtiment des Barnabites
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Pour connaître le détail des péripéties de l’affrontement des représentants de  Dax et de Mont-de-Marsan (qui a longtemps laissé des traces !) il faut se reporter à
- Autour de l'ancien Marsan : actes du colloque de Mont-de-Marsan, 5 novembre 1994 / textes réunis et présentés par Michel Papy -Mont-de-Marsan : Éd. interuniversitaires, 1997
- Marcel. Gouron - La formation historique et politique du département des Landes - dans le IXe congres d’histoire et d’archéologie tenu à Dax du 26 au 29 juillet 1926.
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Les députés des sénéchaussées des Landes
aux Etats généraux et à l'Assemblée nationale en 1790
 lors de la formation du département

les députés Dufau, Basquiat-Mugriet, et Larreyre

 Deux pour la noblesse :
- François-Joseph de Lasalle, marquis de Roquefort, maréchal de camp en retraite, pour la sénéchaussée de Marsan.
- Clair-Joseph Carritz, comte de Barbotan, gersois, pour la sénéchaussée des Lannes (Dax).Agé de 75 ans, il sera condamné à Paris par le Tribunal révolutionnaire et guillotiné le 31 mars 1794.
La noblesse de la sénéchaussée de Tartas ne fut pas représentée. Le comte d'Artois, frère du roi, élu en tant que descendant d'Henri d'Albret, refusa la députation, le baron Jean de Batz, également élu dans la sénéchaussée de Nérac, opta pour celle-ci, et son père, suppléant , ne sollicita pas son admission aux États généraux.

Trois pour le clergé, qui eurent, on les comprend, un rôle très effacé
- Simon Laporterie, curé de Lencouacq, pour la sénéchaussée de Marsan
- Jean Lanusse, curé de Saint-Étienne et du Bourg-Saint-Esprit, pour la sénéchaussée de Tartas. Il meurt à Paris en juin 1790.
- Jean Goze, curé de Gaas, pour la sénéchaussée des Lannes (Dax).

Six pour le Tiers-Etat
- Alexis de Basquiat-Mugriet, lieutenant-général, pour la sénéchaussée des Lannes (Dax et Saint-Sever)
- Pierre-Joseph Lamarque, procureur du roi à Saint-Sever, pour la sénéchaussée des Lannes (Dax et Saint-Sever)
- Antoine-Jean Dufau, médecin, pour la sénéchaussée de Marsan
- Jean Mauriet de Flory, avocat, pour la sénéchaussée de Marsan 
- Bertrand Castaignède, notaire royal et juge de Labouheyre, demeurant à Commensacq, pour la sénéchaussée de Tartas.
- Jean-Baptiste Larreyre, avocat, conseiller du roi au sénéchal de Tartas, pour la sénéchaussée de Tartas.

les députés Mauriet d Flory et Lamarque


Il est honnête de préciser que ces premiers députés landais eurent un rôle très modeste aux Etats généraux et à la première Assemblée nationale. Effacés, ils ne laissèrent pas de trace notable dans l’histoire révolutionnaire … pas plus que leurs successeurs à l’Assemblée législative en 1791.

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